Quelques jours avant le vernissage de l’expo « Culte » de l’artiste FOUAPA, nous sommes passés le voir à son atelier dans les locaux de superposition afin d’en savoir plus sur ce que l’artiste nous préparait, retranscription de l’interview :
Pourquoi « Culte » comme titre de ton expo, fouapa ?
L’expo est dédiée intégralement au détournement des objets de culte et donc principalement des crucifix. Je trouvais le mot « culte » intéressant. Il a aussi un sens dans le langage populaire « c’est culte », la « pop culture »… C’est le mot un peu « valise » qui fait le pont entre tout ce qui m’intéresse dans ma démarche artistique : le côté POP et le côté un peu plus macabre ou plus sinistre.
La raison pour laquelle je m’attache aux objets religieux (ou catholique plus précisément, en fait, je ne touche pas au reste), c’est que je trouve le symbole de Jésus sur la croix profondément sinistre. Y’a pas de message pro ou anti religieux du tout.
C’est un symbole que j’ai toujours connu. J’ai grandi dans la campagne française avec des crucifix partout. Enfin, je n’ai pas été élevé dans cet environnement-là. Donc, pour moi, c’était vraiment un symbole. En tant que gamin, ça m’a marqué : c’est sinistre en fait ce mec (accroché à une croix), c’est qd même bizarre ! …et en grandissant ça m’a toujours paru étonnant. C’est une religion qui a choisi comme symbole de son Dieu, un mec en train de mourir, c’est particulier ! et en plus c’est souvent extrêmement beau, les objets que j’ai récupérés, il y en a qui sont là, c’est très coloré.
Ça fait un petit peu fête des morts mexicaines, avec beaucoup de couleurs ?
On me dit souvent ça oui, mais honnêtement ce n’est pas un truc qui me touche beaucoup. Visuellement, je veux dire les customs, la manière dont les Mexicains s’approprient, c’est très fleuri, c’est très ornemental, et cetera, je m’y reconnais moins. Mais c’est vrai que dans les couleurs et dans la manière de traiter justement l’objet un peu macabre, clairement, il y a une similarité.
Tu voudrais le rendre moins macabre ce Jésus ?
Oui et non parce que je refais quand même des organes sur des squelettes, ce genre de choses, mais j’ai envie de le rendre plus pop, plus vibrant de provoquer quelque chose.
Il y a beaucoup d’artistes qui détournent des éléments de pop culture. Je le fais aussi un peu dans les dissections. Je me dis qu’il n’y a pas de meilleure icône POP que Jésus en fait. En tout cas je le vois comme ça, justement parce que je n’y attache aucune croyance. Donc je me dis, tiens, c’est intéressant. Est-ce qu’on peut en faire un truc plus pop ? Après, le message ne va pas beaucoup plus loin, je n’ai rien à dire sur la religion. C’est juste le fait que ce symbole soit aussi présent, si fort.
Et en plus, paradoxalement, tous ces objets là que je récupère, c’est des trucs qui allaient finir à la poubelle.
Tu les as récupérés où ?
Plutôt dans les brocantes, en fait, souvent je les achète par lots.
Parce que ça fait un moment que tu à cette expo en tête ou c’est l’objet qui te plait, que tu trouves customisable ?
Je les collectionne en fait depuis longtemps. Enfin, ceux que j’ai chez moi, il y en a plein, que je trouve encore une fois, magnifiques. Je cherchais particulièrement les crucifix sur lesquels il y a encore la tête de mort sous les pieds de Jésus. C’est un symbole qui a disparu à cause de la piraterie. Les vieux crucifix ont ça, d’ailleurs, et là aucun n’a ça dans ceux que j’ai récupéré. Quand je me suis mis à customiser des objets, ça m’a parlé tout de suite : y’a un truc à faire en fait avec ces objets-là !
(Description d’œuvre) Il y a un crucifix avec une croix à l’envers.
J’en ai fait 2 comme ça. Il y a quand même un côté provoquant dans le fait de toucher à cette icône. Sur certains trucs, j’y vais un peu à fond. Pour voir, un peu ce qu’on peut se permettre, parce que globalement, dans tout ce que je fais, il y a toujours cette limite là. En fait, il y a un paradoxe, toujours ! C’est très coloré, mais c’est très gore, très macabre. C’est très accessible, mais en même temps très chelou. Je veux qu’il y ait ces 2 trucs en fait là, sur cette expo « Culte ».
Tu es sur la balance entre les 2 ?
Voilà le but ! c’est de d’être à la fois fun mais aussi un peu piquant, un peu salé parce que c’est là que c’est intéressant.
(Description d’œuvre) On voit le squelette sur le crucifix
Dans mon travail, globalement je travaille quasi que sur l’anatomie, enfin, sur les organes surtout.
T’es beaucoup sur la dissection, grosse passion pour l’artiste Nychos ?
Non en fait. J’ai découvert parce que les gens m’en ont parlé, y a une dizaine d’années, quand j’ai commencé à disséquer des objets, les gens m’ont dit, ça ressemblait à ce qu’il fait.
Je n’ai jamais vu ces œuvres en vrai. J’aime bien… mais t’as pas que lui, t’as Jason Freeny aussi qui dissèque des figurines, il y a Ron English aussi qui fait beaucoup de truc sur la dissection.
Mes inspirations sont plus sur les bouquins d’anatomie que j’ai, mes curiosités sur ce genre de truc… Globalement dans tout ce que je fais, j’aime bien faire de la mort et des trucs macabres, un truc fun.
Comment motiver les gens à venir voir ton expo ? Qu’est-ce que tu penses que les gens vont voir dans ton expo, qu’est-ce que tu penses qu’ils vont venir voir ?
Pourquoi ils vont venir ? Le côté un peu un peu provoc, c’est un Hook, je pense. J’espère qu’un certain nombre de personnes vont venir parce que mon nom leur dit quelque chose. Ils ont mes dissections en tête et peut être qu’ils vont venir voir en disant « bah tient ? Qu’est-ce qu’il nous a pondu ? ».
Dans l’expo, il va y avoir qu’un collage, c’est tout. Tout le reste, c’est des choses différentes.
Je ne sais pas pourquoi les gens vont venir à l’Expo, ça va être intéressant de discuter avec eux.
Sur ce travail, il y a des catholiques avec qui j’ai eu l’occasion de discuter, des croyants du coup. Il y en a qui sont dérangés, il y en a que ça dérange pas du tout, il en a qui voient ça comme un prolongement de leur foi qui te disent que ça permet de faire vivre le symbole de manière différente.
C’est une belle ouverture d’esprit
Ouais carrément, mais j’en ai plus eu d’ailleurs des comme ça que des gens qui ont réagi négativement. C’est ça que je trouve intéressant, quand tu te bases sur des symboles forts, plus le symbole que tu détournes, que tu réinterprète est fort, plus il y a des discussions et plus il y a des choses qui se passe. Je me dis, en tant que créatif ou d’artiste, c’est pas mal en fait !
Tout ce que tu as créé, c’est exprès pour l’expo ?
Ouais, c’est que des pièces faites pour l’expo en exclusivité.
Dans la manière dont je muris mon travail, les symboles m’intéressent de toute façon, et les dissections, finalement, c’est ce qui m’intéresse aussi. C’est pour ça que je vais les disséquer.
Quand je dissèque une Nike, c’est un symbole en soi. En fait, ça veut dire quelque chose d’une culture, d’un truc. Un skate, c’est pareil.
Quelles sont tes préférences en termes de support, en termes de peinture ?
Là pour l’expo, le support favori c’est le crucifix en lui-même. Après, j’ai utilisé des boards, j’ai utilisé des bombes, j’ai fait des hachoirs aussi. Ah et en termes de technique, c’est toujours bombes et Posca. C’est vraiment ça et le vernis par-dessus pour protéger et puis surtout pour donner un aspect pour retrouver en fait un aspect d’objet fini.
Le hachoir ? le lien avec le reste du coup, c’est un objet culte pour toi ?
L’idée c’est plus de d’avoir des supports un peu différents. Un peu étonnant. Le hachoir c’est plutôt pour faire le lien avec moi, mon travail. Le côté dissections, organes, côté un peu boucherie…
Dans tes dissections, et dans la Nike qu’on voit ici (en affiche), c’est organique en fait ?
C’est ça, c’est toujours le cas. C’est super que vous disiez ça, parce que c’est l’idée en fait, c’est l’effet que je cherche toujours à provoquer avec ces trucs là et avec le christ aussi.
Le premier truc, c’est que j’ai envie qu’on s’approche parce que c’est coloré et parce que c’est cool.
J’ai envie de faire aussi un petit effet : être attiré, mais aussi provoquer un peu de recul, le côté un peu chelou qui vient en 2e vague.
Après pour l’expo, j’ai créé une croix en bois avec un artisan menuisier. Tu as une grosse croix en bois et on a créé des ossements dans d’autres types de bois qu’on va fixer par-dessus, tout coloris. L’idée c’est d’aller vers des trucs un peu plus en volume et de voir si ; à terme, je ne vais pas… parce que customiser des objets existants c’est intéressant, mais créer ses propres objets pour ensuite réaliser un truc par-dessus, c’est encore une autre démarche.
En termes de support, les skates c’est super à utiliser. C’est plat, ça de la texture et puis c’est une forme intéressante. Il y aura y aura quelques boards parce que c’est aussi un moyen de faire le lien avec le côté street. Il y aura des bombes aussi du coup, pour faire le lien avec le côté street.
La bible, c’est un bon support ? à feuilleter ?
Je n’ai pas trouvé comment, justement, je voulais, le problème c’est que dans ce cadre-là c’est difficile de de faire manipuler quelque chose aux gens. Mais bon pareil les bougeoirs que j’ai récupérés, je n’en fais rien, ça ne va pas, ça ne m’a pas inspiré, mais j’ai déjà beaucoup de choses. Ça plus les fresques, les boards….
Des toiles, plus basiquement ?
Il n’y aura pas de toile dans cette expo, là, non ! Je ne voulais pas justement pour pouvoir garder un côté atypique. Le truc le plus banal entre guillemet ce sera les boards de skate parce que les gens ont déjà vu ça mais je les traite de façon différente donc on verra.
Mais en tout cas, les crucifix, ça, je sais que les gens n’ont pas vu ça. Il y a des moulures, il y a des pièces en gros, là sur l’expo. C’est quoi, c’est ? 5, 6 mois de recherche d’objet et c’est vraiment la crème de la crème des objets que j’ai récupéré : il y a des crucifix là-dedans qui sont…(exceptionnels)
L’expo est du 28 octobre au 14 novembre, et elle se passe où ?
C’est à EXIB qui est une petite galerie, rue Bonald dans le 7e arrondissement de Lyon. Qui est un espace vraiment sympa. Et le vernissage est jeudi (28 octobre).
Et tu bosses à côté de ta peinture ? tu arrives à concilier les 2 ?
Oui mais par exemple, j’ai pris 2 semaines de vacances pour boucler l’expo. Pour l’instant, je ne peux pas me permettre de lâcher mon taf et de faire que ça. Ce serait peut-être une éventualité.
C’est complémentaire ? tu penses que l’un se nourrit de l’autre ?
L’un se nourrit de l’autre oui parce que je travaille dans la pub, ça m’atteint tellement que j’ai envie de créer encore plus, je pense. Mais il n’y a pas de pont entre les deux. Mon travail m’a passionné pendant des années, maintenant c’est un travail, c’est tout. Faire des pubs pour du yaourt ou des machins… aucun intérêt !
Oui, par contre, les marques en soi, justement les symboles, c’est pour ça que je suis rentré dans la pub, ça m’a plu. Tu travailles que sur des symboles tout le temps. Comment tu fais adhérer au symbole aussi. Après, peut être que ça me donne des petites aisances pour communiquer sur les réseaux, je suis très à l’aise sur les réseaux et je les utilise beaucoup. Ça fait vraiment parti de mon de mon kiff, quoi, je ne pourrais pas dissocier les 2.
C’est des vrais modèles de chaussure de skate ou s’est inventé ?
C’est des vrais, parce que je veux que les gens, les gens qui connaissent, reconnaissent en fait, mais. C’est une chaussure de skate. Mais après voilà, on est dans les collages. J’ai fait beaucoup de d’univers différents. Bah la bière, c’était aussi marrant. J’ai envie de quelques-unes, j’ai fait une dissection de manette de jeux vidéo aussi.
C’est ça en fait, c’est d’aller chercher d’autres univers et de proposer… en fait le détournement de la pop culture, c’est forcément un peu facile parce que tu t’appuies sur quelque chose qui existe pour te faire connaître. J’essaie de le faire d’une manière qui est différente et je ne m’attaque jamais, par exemple, je n’irai pas disséquer Bob l’éponge ou Mickey, parce que je ne veux pas utiliser… enfin tout est propriété intellectuelle, mais je ne veux pas utiliser de personnage déjà existant. Ça, ne m’intéresse pas du tout. Par contre, un objet qui fait partie du quotidien. Bah oui. Tu vois, l’appareil photo que t’as dans les mains. Tu es passionné de photo, je te le dissèque, ça va te parler à un niveau qui est presque plus intime alors que si je dissèque Daffy Duck, tu vois ?! Ce n’est pas le même rapport !!
Cool d’avoir ton retour sur ta prochaine exposition, Tu ouvres à quelle heure ? ça se passe pendant combien de temps ?
Les dates c’est du 28 octobre jusqu’au 14 novembre. Le vernissage est à 17h,
La galerie a des horaires un peu atypiques, elle n’est pas ouverte le lundi, mardi, Je crois. Il faut regarder sur leur compte Instagram, Exib art.
Le Vernissage, c’est à partir de 17h le 28. Du coup, jeudi 28. C’est mieux de ne pas venir trop tard parce que, ça ferme tôt,
Tout est en vente. Du coup ?
Tout est en vente bien sûr. Il y aura du coup un éventail de prix qui va être très large parce que le plus cher ça va être la croix que j’ai faite avec le menuisier parce qu’elle n’a l’air de rien pour le moment mais bon, c’est la « master piece ». Mais il y aura des trucs plus accessibles. J’ai prévu des petites choses, J’ai prévu des plaques de stickers. J’ai prévu le collage que j’ai préparé pour l’expo. Il sera disponible en vente et ça fera partie des prix les plus bas. Et après, tout sera en vente sur des éventails de prix assez large. L’idée c’est de rester le plus accessible possible pour l’endroit. Il faut se rembourser un peu. Faut que le galeriste vive aussi, enfin on connait. C’est toujours comme ça.
Il te reste beaucoup de travail avant le vernissage ?
Non, j’ai des petites boards qu’il me reste à finir. Je finis de customiser ça et puis je fixe ça là (montre la boards avec les éléments de custom, à découvrir lors de l’expo). Il reste le petit crucifix rose que je n’avais pas prévu de faire, il était abîmé mais j’ai réussi à en faire quelque chose donc je vais faire ça pour le fun. L’assiette, si j’ai le temps et puis voilà !
Fouapa : « ça c’est pareil, ça a l’air de rien, c’est une moulure en plâtre, la datation est de 1920. C’est une moulure. Un truc que tu mets au-dessus du lit avec St Pierre et Jésus. »
Street-art Lyon : « St Pierre avec un petit air de Skeletor, »
Fouapa « A customiser c’est intéressant parce que tu dois réfléchir aussi à quel moment tu t’arrêtes pour laisser un peu l’objet vivre. Ça, (des lunettes un peu lolita avec des dents sur ces branches) c’est une ref, à un artiste que j’adore : Colin Christian, il a fait une brosse à dent avec des dents dedans, il met des dents partout. »
Fouapa : « Les dents c’est un peu ma signature, même dans la dissection, sur celles qui sont au mur, pas trop, mais en général je fous des dents partout. »
Ça symbolise quelque chose pour toi ?
C’est dérangeant ! C’est tout de suite dérangeant, et puis une dent au mauvais endroit en fait, ça fait un peu cauchemar. Donc c’est, c’est ça qui m’intéresse. Il n’y a pas de symbolique, mais c’est toujours comment tu crées un petit accident visuel, un truc sur lequel la personne va bloquer. C’est ce que j’ai essayé de faire. D’ailleurs, le fait d’avoir travaillé dans la pub si longtemps c’est peut-être ce qui m’est resté, c’est la culture de l’impact visuel de chaque image que tu produis. Essayer d’être percutant avec un truc très simple, j’ai tendance à ne pas passer trop de temps d’ailleurs, sur chaque, crucifix « Celui-là, ça va être ça, celui-là, ça va être ça, etc… ».
Comment ça se passe. T’as déjà ton idée et tu le fais ou tu vois au fur et mesure que tu colores la pièce ?
C’est souvent au fur et à mesure. Après, il y a des automatismes. C’est à dire qu’il y a des manières de les customiser qui ont bien fonctionné donc je vais répéter, mais en fait, à chaque fois c’est toujours : soit je fais un squelette dessus, soit des organes, soient des muscles, soit un peu de trois.
…et puis après je vois en fonction de la taille et la forme parce que j’ai envie d’accentuer tel ou tel truc. Il y a une part d’impro, parce que je ne sais pas, parfois, j’ai envie d’en rajouter :des petits symboles, des petits trucs, mes petites signatures visuelles que j’ai envie de remettre un peu partout : les yeux, le cœur avec un œil dedans par exemple, c’est mon gimmick !
Et ça, c’est un exercice intéressant. Là je suis identifié, disons par une partie des gens pour les collages. Comment tu fais le lien avec quelque chose de totalement différent sans avoir de références ? Je ne sais pas ce que les gens reconnaissent là quand ils voient mon travail. Si je mets un crucifix et un collage à côté est ce qu’ils se disent « ah ! c’est la même personne ! ».
Enfin voilà, je suis content. Premier solo show, première expo sur les christs !!